Vignes européennes et vignes américaines

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Les vignes présentes de chaque coté de l’Atlantique possèdent des caractéristiques qui les rendent complémentaires. Découvrez l’histoire passionnante des vignes européennes et des vignes américaines.

La famille botanique des vignes compte de nombreuses espèces.

Les régions de répartition naturelle de ces espèces se trouvent dans les zones suivantes:

  • Amérique du nord : Vitis labrusca, Vitis berlandieri, Vitis riparia, Vitis rupestris, Vitis cordifolia…
  • Europe et Asie occidentale : Vitis vinifera, Vitis sylvestris (ou Vitis vinifera sous-espèce sylvestris, forme sauvage appelée lambrusque)
  • Asie orientale : Vitis amurensis…

Les plus anciens vestiges de culture de la vigne remontent à 7000 ans ; ils ont été mis à jour dans la région du Caucase où la vigne aurait trouvé refuge lors des glaciations de l’ère quaternaire.

La culture de la vigne s’est diffusée à partir de ce foyer vers le Moyen-Orient, la Mésopotamie et le bassin méditerranéen (Egypte, Grèce, Italie). Elle est introduite sur le territoire actuel de la France vers 600 avant JC.

Durant toute cette période et jusqu’au XIXème siècle , les vignerons ne se sont intéressés qu’ à Vitis vinifera et à sa sous-espèce sylvestris. Celle-ci a donné un grand nombre de cépages par croisement.

Une série de maladies déferle sur l’Europe

En 1863, un puceron appelé Phylloxera vastatrix fait son apparition en Europe et va causer une véritable catastrophe. On apprendra plus tard qu’il est venu d’Amérique. Identifié en France, il se propage dans tout le pays en quelques années puis en Europe. Tout le vignoble dépérit et sera arraché.

Le cycle biologique du phylloxéra comporte une phase souterraine durant laquelle l’insecte s’attaque aux racines.

Les méthodes de lutte ont d’abord cherché à éliminer l’insecte par utilisation de produits. La submersion des vignes en hiver empêche la multiplication mais n’est possible que dans les plaines où l’on dispose de grandes quantités d’eau. Elle se pratique encore en Camargue et près de la mer dans l’Aude.

La méthode la plus largement utilisée aujourd’hui consiste à faire intervenir les vignes américaines car elles sont résistantes à l’insecte. Cependant, elles donnent des vins de qualité bien différente, avec des goûts foxés peu appréciés. A partir des Vitis riparia, rupestris, berlandieri… et de croisements de ces espèces, on a créé des porte-greffes résistants au phylloxéra et sur lesquels on vient greffer Vitis vinifera.

Allégorie de la vigne américaine venant au secours de la vigne européenne

Par ailleurs, le patrimoine génétique des vignes américaines a été mis à contribution dés la fin du XIXème siècle par la création des hybrides producteurs directs. L’apparition de l’oïdium en 1847 et du mildiou en 1878 (deux maladies également originaires d’Amérique du nord et qui touchent les feuilles, les rameaux et les grappes), amènent à effectuer des hybridations entre Vitis vinifera et les Vitis américains, qui possèdent des gènes de résistance à ces maladies.

Ces hybrides producteurs directs appelés Noah, Jacquez, Isabelle, Othello, Clinton, Maréchal Foch…connaissent un énorme succès jusque dans les années 1950, où ils couvraient plus de 40 pour cent du vignoble. Ensuite leur culture décline et est interdite pour certains. En effet, ils sont accusés de donner des vins de qualité médiocre et présentant des teneurs en méthanol qui les rendent toxiques.

Quelques uns subsistent aujourd’hui , notamment le Baco blanc, cultivé dans le Gers pour la production d’Armagnac.

Pour protéger Vitis vinifera contre les maladies, on utilise différents produits de traitements. Le sulfate de cuivre, sous forme de bouillie bordelaise, protège contre le mildiou, le soufre en poudre contre l’oïdium. On utilise aussi (en agriculture dite « conventionnelle » par opposition à l’agriculture biologique) des produits issus de l’industrie pétrochimique. Tous ces produits ont évidemment des effets plus ou moins nocifs sur l’environnement et sur les humains : ceux qui consomment le vin mais en premier lieu ceux qui les manipulent, les viticulteurs. Ces derniers sont particulièrement exposés car , si la surface du vignoble français ne représente que 3 pour cent de la surface agricole, on estime que les vignobles reçoivent 15 à 20 pour cent des pesticides utilisés chaque année dans notre pays.

En plus de leur effet sur la santé, ces pesticides présentent l’inconvénient de peser assez lourdement sur les budgets des domaines viticoles et les traitements génèrent des frais supplémentaires de main d’ œuvre.

Les nouveaux hybrides

Alors que la France s’est détournée des hybrides de Vitis vinifera et Vitis américains, nos voisins allemands, suisses et italiens ont continué leurs travaux de sélection. Une centaine de cépages résistants au mildiou et à l’oïdium a été créée, ces 2 maladies étant à l’origine de 95 pour cent des traitements fongicides.

L’ Italie vient d’autoriser la culture de 11 variétés résistantes et les chinois, qui possèdent aujourd’hui le deuxième plus grand vignoble du monde, se lancent dans la sélection de plants résistants.

Quelques producteurs français, comme le domaine de la Colombette à Béziers, ont commencé à tester ces cépages. Ils suscitent un enthousiasme grandissant dans le milieu viticole. Ces nouveaux hybrides portent les noms de Cabernet blanc,Cabernet cortis, Cabernet jura, Souvignier, Merlot kanthus… et permettent de produire des vins dont la dégustation est comparable aux cépages de vinifera.

Le ministère de l’ agriculture reste plutôt frileux. Il n’envisage absolument pas d’autoriser la culture de ces cépages pour la production d’appellations d’origine contrôlée. Ceci d’autant plus que ces hybrides portent des noms qui portent à confusion car ils rappellent des cépages existants. Ils ne représentent encore officiellement aujourd’hui que quelques dizaines d’hectares, mais les vignerons sont impatients de les planter.

Conclusion

L’apparition de la maladie du phylloxéra en Europe, que l’on peut considérer comme un effet de ce que l’on appelle aujourd’hui la mondialisation, a nécessité le recours aux vignes américaines. Elles ont littéralement sauvé la vigne européenne, comme en témoignent les monuments édifiés à la gloire de la vigne américaine. (voir photo ci-dessus). La vigne américaine joue le rôle d’intermédiaire indispensable entre Vitis vinifera et le sol infesté par l’insecte.

Les autres maladies venues d’outre-atlantique , le mildiou et l’oïdium, sont combattues par des méthodes chimiques. Celles-ci montrent de nos jours leurs limites.  L’homme mélange les gènes des deux continents pour produire ces nouveaux cépages. Ils cumulent la résistance aux maladies des vignes américaines et la qualité des vins des vignes européennes.

Cette nouvelle vague d’hybridation semble très prometteuse et opportune pour la préservation de l’environnement et de la santé ; elle instaure une relation beaucoup plus intime entre vignes américaines et vignes européennes qui sont définitivement complémentaires et indissociables.

En savoir plus sur la culture de la vigne.